Entretien avec Hiroaki Yura
À la tête du studio Area 35, Hiroaki Yura ne se contente pas d'être le directeur et producteur de Tiny Metal 2. Artiste aux multiples facettes – passé par la musique, la production et le cinéma –, il insuffle à ses projets une sensibilité rare, où la mise en scène et l'émotion comptent autant que le game design. Une rencontre marquante, autant par la richesse de ses propos que par son extrême gentillesse, qui a profondément marqué notre échange autour de ce nouvel épisode très attendu.
"Nous avons enfin l'opportunité de concrétiser les idées mises de côté sur le premier volet."
Si vous deviez pitcher Tiny Metal 2 en une phrase, que diriez-vous ?
Hiroaki YuraTiny Metal 2 est un jeu de guerre japonais au style arcade.
Qu'est-ce qui a déclenché l'idée d'une suite, et comment ce concept a-t-il évolué durant le développement ?
Hiroaki YuraL'idée de la suite est née d'une longue liste de fonctionnalités que nous avions déjà en tête lors du développement de Tiny Metal. À l'époque, nous manquions tout simplement de temps et de ressources pour les intégrer. Avec Tiny Metal 2, nous avons enfin eu l'opportunité de concrétiser beaucoup de ces idées. Bien sûr, certaines ont évolué en cours de développement, mais dans l'ensemble nous avons pu mettre en place de nombreux éléments que nous souhaitions depuis longtemps, comme les unités navales ou le coopératif en local. D'autres fonctionnalités seront annoncées ultérieurement, mais il est encore trop tôt pour en parler.
"L'une de nos grandes priorités était d'assumer pleinement notre identité japonaise."
Batailles navales, coopératif, visuels améliorés... Quelles ont été vos priorités absolues et pourquoi ?
Hiroaki YuraNotre priorité principale était de faire en sorte que le jeu mérite réellement de s'appeler Tiny Metal 2. Après le premier épisode, nous avons sorti Full Metal Rumble ainsi que deux DLC, mais il ne s'agissait pas de véritables suites. Les évolutions visuelles et les changements de système n'étaient pas suffisants pour justifier un "2". Cette fois-ci, nous voulions aller beaucoup plus loin. L'une de nos grandes priorités était d'assumer pleinement notre identité japonaise. Nous sommes un studio japonais, et je dirige également une société de production cinématographique qui a travaillé sur Gundam l'an dernier. Nous avons mis cette expertise à profit pour créer des cinématiques de qualité et une direction artistique en cel-shading inspirée de l'animation japonaise. La narration, la mise en scène et la présentation globale du jeu étaient essentielles pour nous.
Tiny Metal 2 paraît plus abouti que le premier épisode. Quels retours des joueurs ont le plus influencé ces améliorations ?
Hiroaki YuraLe retour le plus important concernait l'interface utilisateur. Sur Tiny Metal, nous n'avions pas de designer UI ou UX dédié, et cela se ressentait. Depuis, un excellent designer UI/UX a rejoint l'équipe et travaille avec nous depuis plusieurs années. Les améliorations dans ce domaine sont très visibles dans Tiny Metal 2.
"J'ai appris en faisant des erreurs et en adaptant constamment ma façon de travailler."
Votre parcours couvre la musique, la production et le jeu vidéo. En quoi cela influence-t-il votre manière de diriger Area 35 ?
Hiroaki YuraJe n'ai jamais appris à produire de manière académique. J'ai appris en faisant des erreurs, en encaissant les coups, puis en adaptant constamment ma façon de travailler. Cela n'a pas vraiment changé avec le temps. Mes racines sont dans la musique : j'étais violoniste. Beaucoup de mes décisions et de mes valeurs viennent de cette expérience. Mon vécu de musicien influence fortement mon approche créative, ce qui explique pourquoi l'art, les cinématiques, le doublage et le jeu d'acteur sont aussi importants pour moi que le game design.
Le violon est un instrument exigeant, qui demande rigueur et discipline. Comment cela se traduit-il dans votre approche du développement ?
Hiroaki YuraJe ne crois pas au talent inné. Le talent seul ne signifie rien. Ce qui compte réellement, c'est la pratique, la discipline et l'apprentissage constant. Chez Area 35, nous considérons l'entreprise comme une école. Lorsque de jeunes développeurs nous rejoignent, ils étudient, travaillent dur et sont formés sérieusement. Il n'est pas question d'arriver sans apprendre : l'effort et la progression sont des valeurs fondamentales pour nous.
"J'aime énormément le contenu généré par les joueurs mais nous n'aurons pas d'éditeur de cartes."
Y a-t-il une fonctionnalité que vous aimiez beaucoup mais qui n'a pas pu être intégrée à Tiny Metal 2 ?
Hiroaki YuraJe vais partager cela en exclusivité avec Gamatomic. Nous n'aurons pas d'éditeur de cartes. J'aime énormément le contenu généré par les joueurs, mais de nombreuses plateformes imposent des règles très strictes à ce sujet. Il est extrêmement difficile de contrôler des contenus inappropriés, notamment pour protéger les plus jeunes. Entre ces contraintes et le temps de développement limité, l'intégration d'un éditeur de cartes n'était tout simplement pas réaliste.
À la sortie du jeu, quels mots-clés aimeriez-vous que les joueurs associent immédiatement à Tiny Metal 2 ?
Hiroaki YuraLe coopératif en local, un gameplay à la Advance Wars, et des cinématiques marquantes.
"Les cultures japonaise et française partagent un profond respect pour l’art et la culture."
Comment avez-vous abordé l'équilibre entre accessibilité et profondeur stratégique ?
Hiroaki YuraJe ne sais pas si nous avons encore trouvé l'équilibre parfait, mais nous prévoyons de nombreux tests avec des joueurs externes, et pas uniquement en interne. Nous voulons recueillir un maximum d'avis. Certains de nos développeurs seniors ont travaillé chez Blizzard, un studio réputé pour ses longues phases de test avant la sortie de ses jeux. Nous comptons adopter une approche très similaire.
La démo présentée à la PGW était spécialement adaptée à l'événement. Est-ce une philosophie propre à Area 35 ?
Hiroaki YuraOui, tout à fait. Chaque pays et chaque culture sont différents, et c'est une richesse. Nous voulons nous adresser correctement à chaque marché, et la localisation est le minimum que nous puissions faire. Même si nous ne pouvons pas modifier l'histoire pour chaque pays, nous souhaitons particulièrement toucher le public français. Les cultures japonaise et française partagent un profond respect pour l'art et la culture. Nous voulons mettre en avant cette affinité à travers nos cinématiques, notre esthétique inspirée de l'animation japonaise et notre manière de raconter l'histoire.
"Hideo Kojima a soutenu notre travail par le passé."
En dehors de votre travail chez Area 35, à quels jeux jouez-vous actuellement ou recommanderiez-vous aux joueurs ?
Hiroaki YuraJe joue actuellement à Death Stranding 2 : On the Beach. Nous avons beaucoup de respect pour Hideo Kojima, qui a soutenu notre travail par le passé. Lors de la sortie de Gundam : Requiem pour une vengeance, il ne s'est pas contenté de partager notre affiche : il a écrit une critique sur Twitter. Nous lui en sommes très reconnaissants. Beaucoup de membres de l'équipe jouent également à Hades II. De mon côté, je dois d'abord terminer Death Stranding 2. J'avais adoré Hades. Enfin, pour les amateurs de jeux de stratégie, je recommande vivement Into The Breach. C'est un jeu exceptionnel, auquel je pourrais jouer sans m'arrêter.
Et pour finir, juste pour le plaisir : si vous commandiez votre propre armée dans Tiny Metal 2, quelle serait votre unité favorite ?
Hiroaki YuraSi j'ai le droit d'en choisir deux, ce serait la Heavy Metal et la Fortress. La Heavy Metal est extrêmement polyvalente et résistante, idéale pour pousser les lignes ennemies. La Fortress, de son côté, met fin aux combats – et c'est une unité particulièrement amusante à utiliser.